La révolution de l'enchantement

Journal d'une résidence à la médiathèque l'Escale à Auby

Le journal des tricoteuses (1)

Le journal des tricoteuses (1)

Les citations de l'Escale : " On ne va jamais aussi loin que lorsqu'on ne sait pas où l'on va." Christophe Colomb

 

Tous les mardis, 12 femmes se réunissent à la médiathèque pour tricoter. Leur voyage dure depuis une quarantaine d’années. Elles ont été promenées dans différents lieux de la ville pour vivre leur passion.

Retracer leur parcours, c’est comme réveiller une conscience féminine du passé d’Auby.

Dés le premier jour et grâce à la complicité de Valérie, j’ai été accueilli à bras ouverts.

J’ai tout de suite senti la possibilité d’écrire un livre collectif pour saisir cette intimité complice entre femmes.

Et pourquoi pas aussi les conflits, rivalités et tout ce qui nourrit la vie d’une « sororité » comme celle-là. Car si on tricote, on parle beaucoup aussi.

Les mains s’agitent autour des aiguilles, les mots, autour des lèvres. Certaines phrases sont comme des piques que l’on lance à une adversaire imaginaire pour la mettre à l’épreuve d’elle-même.

On dirait une corrida de la tendresse avec des coups de cape, des olés en forme d’éclats de rire et des mises à mort.

Puis la magie du tricot opère.

Les yeux baissés sur cette ligne de laine qui se déploie vers quelqu’un à réchauffer ou à habiller, le cœur s’apaise, les consciences s’inclinent, tout le corps se recentre sur lui-même.

Existe-t-il une thérapie des tricoteuses, un effet tranquillisant pour celle qui agit et celui qui regarde ?

Le tricot a ceci de fascinant qu’il nous replonge immédiatement dans l’enfance. Le décor du présent s’estompe et surgissent les mains d’une mère ou d’une grand-mère dont on n’arrive plus à détacher les yeux comme un feu de doigts dans le foyer familial. Une magie hypnotique et quasi silencieuse.

Mais revenons à notre groupe. En plus des mailles à l’endroit et des mailles à l’envers et grâce aux échanges tant culinaires qu’affectifs, des liens forts se sont tissés.

Il y a les novices et les anciennes. À chaque réunion autour de la traditionnelle et sacro-sainte tasse de café, chacune d’entre elle partage une pâtisserie maison.

Je me suis engagé à payer mon écot par deux tartes au sucre. De là à me mettre au tricot… j’hésite…

« Ce qui se dit ici, ça ne sort pas dans la rue. Parce qu’on ne répète jamais comme on l’a dit, c’est toujours déformé… » me lance Espérance comme un avertissement.

Espérance déteste son prénom qui a déclenché des moqueries toute sa vie. Elle a élevé six enfants avec un mari souvent en déplacement même à l’étranger. Le récit qu’elle entame de sa vie me touche par son intensité et me donne une idée.

Mon projet serait de parvenir à faire un portrait de mots de chacune de ces femmes. De leur histoire individuelle. Et de celle du groupe. Mais aussi d’inventer avec elles une façon de concrétiser leur attachement à la bibliothèque.

Je vais tenter de convaincre chaque tricoteuse de choisir un livre dans la médiathèque. Son livre préféré, son livre de chevet. Puis d’imaginer une couverture tricotée pour cet objet.

Faire des esquisses, des dessins. Rêver sur la forme que cela va prendre. C’est Yasmine qui m’a donné cette idée car elle tricote en ce moment une couverture pour son fils quand il regarde la télé, une couverture en forme… de grande bouche de requin… dans laquelle l’enfant va se glisser.

Cette collection unique, si les tricoteuses acceptent évidemment, pourrait déclencher une exposition accompagnée des portraits de mots et photographiques de toutes ces virtuoses de l’aiguille.

Une chronique dans le blog sera consacrée à l’avancée du projet. Sera-t-il possible d’emporter ces tricoteuses à devenir des « triconteuses »?

Espérance, Evelyne, Yasmine, Martine, Andrine, Francine, Véronique, Marie, Babeth, Malika, Pascale, Véronique deviendront-elles les 12 « apôtresses » du conte par le tricot ?

En route pour ce voyage dont l’Escale accueille déjà les aventurières.

 

Juillet 2016

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M
A Espérance pas vu depuis des années j'adresse un amical Bonjour.....
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